C'est ici qu'il faut aller pour avoir l'impression d'avoir quitté le Cambodge avec ses habituels paysages de plaines de rizière. C'est la région des vieilles forêts dans les hauts plateaux près de la frontière vietnamienne.
Je suis allé dans cette province avec un missionnaire colombien, Juan Solazarno de Jesus, qui conduisait un véhicule tout terrain à toute épreuve. Après avoir traversé des villages de western américain, plongés dans la poussière de terre rouge, on avait fait une portion de la piste "Hô Chi Minh" avant d'arriver dans la capitale provinciale : Sen Monorom. Il y a une piste pour les avions, mais ils ne s'y aventurent que si elle est suffisamment sèche. Il arrive qu'ils viennent de Phnom Penh et fassent demi-tour en évitant de prendre des risques pendant la saison des pluies.
Ensuite, c'est la partie la plus rigolote pour un citadin comme moi... Les khmers voient un chemin là où je ne vois que énormes rochers, cours d'eau et autres passages infranchissables. Finalement, après avoir fait la course avec une grosse jeep russe avec des pointes à 12 km/h, il restait encore à traverser une rivière qui donnait sur une double de chute de 20 et 30 mètres chacune.
Ici, on se trouve dans le fin fond des coins les plus reculés de la planète. Il y a des chansons qui parlent de ces chutes légendaires, mais rares sont les khmers qui ont pu les voir de leurs yeux. On peut atteindre le pied de la première et se glisser derrière le large mur de la cascade pour y voir les courants étranges qui jouent avec les plantes semi-aquatiques en les faisant danser d'une manière magique.
On est bientôt arrivé au villages de Bousra. Des plaines de bois coupés, des réserves d'arbres qui pourrissent. Tristes paysages... Là, ce sont des Phnaongs qui habitent. Ils savent parler le khmer aussi bien que moi parfois, mais se débrouillent aussi en vietnamien. C'est plus simple de traverser la frontière à 7 km plutôt que d'affronter la nature côté cambodgien pendant la saison des pluies. Il y a beaucoup de chrétiens, catholiques et protestants. D'ailleurs, un quart de l'effectif du foyer dont je m'occupe vient de Mondolkiri. Venir dans les foyers de garçons et de filles de Kompong Cham est aussi une occasion pour eux de continuer leur catéchuménat.
Lorsque je suis arrivé dans ce village, j'ai attendu trois jours pour aller voir le chef de la commune. Je n'y étais pas allé avec le missionnaire et après j'étais allé avec les villageois dans la forêt ramener des tubercules et apprendre à pêcher au filet. Le Méphum voulait me connaître pour voir, paraît-il, si je m'interressait à la déforestation qu'ils organisent d'une manière systématique pour leur culture sur brûlis. Mais je l'ai dérangé alors qu'il cuvait son vin à 2 heures de l'après-midi. Il m'a reçu sans problème, mais ses questions restaient du coup assez au ras des paquerettes.