Journal de bord

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Kompong Cham, le 29 Octobre de l'an de grâce 2000

Tchium rieb sur !
Voici un nouvel épisode des aventures de David au Cambodge. J'appelerai ces lettres, ''extrait du journal de bord'' pour l'instant, jusqu'à ce qu'on trouve mieux... Ca fera moins impersonnel et me déculpabilisera de faire des envois groupés et de ne pas vous écrire à tous personnellement ! Cela ne veut pas dire, vous le savez bien, que je ne pense pas bien à vous très régulièrement. J'en profite pour vous remercier de toutes vos bonnes pensées, vos mots encourageants et vos prières surtout ! Je vais toujours très bien. De toute facon, je ne me vois pas vous écrire : ''oh, là, là. J'ai vraiment le mal du pays''... Mais c'est toujours bien de dire que ca va.

Révolte digestive

Enfin, presque... Il y a une semaine, j'ai eu une une petite infection intestinale. Mon organisme n'était vraissemblablement pas habitué à ce type d'agression de la faune locale si bien qu'il n'a pas cherché à comprendre. En dehors de tout ce qui n'était pas héritage familial, il a tout éliminé assez rapidement... Arrêtons là les descriptions, les enfants sont encore debouts... Deux jours KO, 7 jours d'antibiotiques, et me voilà de nouveau sur mes deux pieds.

Le village de Koh Roca en décrue

Après deux semaines d'apprentissage intensif de la langue, petite pause aujourd'hui pour aller rencontrer la communauté de Koh Roca, à 15 min en moto, en aval du Mékong. C'était gentil par rapport à la descente sur Kah Sampov. Mais c'était tout de même du sport... Un missionnaire, deux coopérants, trois motos. La route était praticable, mais pas à deux sur une moto (l'Eglise m'a offert un casque aujourd'hui, donc je suis sur-sécurisé. Je creuse toujours l'idée de me procurer un vélo, pour la ville...). C'est un village où il y avait, il y a à peine 1 mois, 6 mètres d'eau en plus ! C'est assez, très, beaucoup impressionnant ! Il faut voir sur les maisons sur pilotis (comme partout au cambodge, pratiquement, sauf dans la capitale même), viser les repères d'inondation, puis constater le niveau actuel du Mékong à 30 mètres et on se dit : "Mais comment pouvait-il y avoir autant d'eau !!!" Ca ne ressemble pas aux inondations que j'ai connue dans la région parisienne...

Sur le Départ

Aujourd'hui, je ne me suis levé qu'à... 6h30. J'étais le dernier du pays à me lever. Après un bon petit-déjeuner à 9h00, quelques balles de volley avec les enfants du quartier, et nous partons. Il est 9h30. Un peu plus tard, à peine arrivé à Koh Rocah, nous sommes invités à... manger. Nous allons dans une maison qui servait, au début de l'histoire de cette paroisse, d'oratoire pour la messe.

Histoire d'une conversion

Au début, c'est l'année 1996. Une yelle (grand-mère, c'est un terme respectueux ici) est malade, descend sur Phnom Penh car elle a de la famille qui lui dit pouvoir l'aider. L'aide en question, ce n'est autre que l'Eglise qui lui offre. Soignée, visitée, aidée dans ses démarches de santé, elle se pose beaucoup de questions sur ces gens qui ne la connaissent même pas et qui l'aident tout de même, sans rien attendre, et sachant même qu'elle repartira dans son village bientôt. Elle se renseigne et devient chrétienne. De retour, elle parle à tout le monde de sa découverte. Le feu prend et c'est parti.

Le revers de la médaille

C'est une assez belle histoire. Pour dire qu'il n'y a pas que des combats dans la mission d'évangélisation. La suite de l'histoire n'est pas tout rose, néanmoins. Il y aura des intéressés par les avantages qu'on peut trouver à fréquenter les chrétiens (c'est d'ailleurs la réputation qui "colle" à tous les blancs, ici). Pourtant, d'autres rebondissements arriveront, assez heureux, l'Esprit ne se laissant pas faire par la médiocrité humaine quand elle apparaît. Je vous raconterai la suite dans deux ans, quand nous parlerons face à face, il y aurait tellement de choses à dire !

Pantagruel est Cambodgien

Nous nous retrouvons donc dans cette maison. On nous prépare du riz et pleins de petits plats : poissons, soupe de légumes, oeufs sur le plat... On nous remplit les assiettes dans un coin de la pièce si bien que nous n'avions pas moyen de contrôler la quantité. Eh bien ! Heureusement qu'il y a l'apesanteur et toutes ses conséquences, car s'ils avaient pu remplir jusqu'à 10 fois le volume de l'assiette à soupe, ils l'auraient fait. J'ai eu la médaille de bronze sur nous trois. Personnellement, j'ai toujours pris cette habitude de ne pas trop vite vider mon assiette pour ne pas avoir à en reprendre.

La coutumes des hôtes

Au fait, quand on mange, on est toujours seul. Les autres personnes regardent. Quand j'étais allé à Kah Sampov, la discussion du soir s'était passée dans une maison éclairée par un néon alimenté par une batterie de voiture (voilà pourquoi l'acide chlorydrique est si facile à trouver par ici il paraît...) Le préfet et moi étions en plein dans le néon accroché à un pilier, et tout le reste du monde était dans le noir. Ca faisait un peu théâtre... C'est apparemment toujours un peu comme ça.

Pitié pour mon estomac

Revenons à notre maison. Au fur et à mesure que tout le village apprenait que nous étions arrivés, les femmes apportaient leurs propres plats là où nous mangions. Par politesse, il fallait goûter à tout, bien-sûr... En tous les cas, c'était un véritable signe d'hospitalité et de bon accueil de l'Eglise. C'était assez marrant de manger autant alors que je m'étais bien nourri une demi-heure avant, et les voir arriver une par une avec leur plat et espérer qu'on y toucherait. Bref, l'Esprit-Saint s'occupe de tout ce qui est petit détail dans la vie de ceux qu'il habite : il y avait toujours une petite place dans mon ventre remis à neuf pour chaque plat arrivé ! Ensuite, nous avons célébré l'Eucharistie dans l'église toute neuve qui n'est autre qu'une maison à l'image des voisines. Il y avait de belles images. Peut-être était-ce de la distraction, mais j'ai vu quelques petites images bien jolies : je pense à cette mère qui donnait le sein à sa petite fille pendant l'homélie. Il n'y avait que moi qui le remarquais, bien-sûr...

La pauvreté demeure

Après la messe, le missionnaire a dû partir pour célébrer la messe dans une autre communauté à 2 heures d'ici. Avec mon prédecesseur, nous sommes allés visiter une famille qu'il connait. Petite maison, 5 enfants, dont une fille en étude chez les frères de Don Bosco à Phnom Penh. Nous y allions avec l'un des jeunes du centre de Kompong Cham qui ne dort pas au centre mais profite de ce qu'il n'est pas loin pour habiter toujours chez ses parents (certains viennent des montagnes de l'Est, et utilisent parfois des éléphants, quand la route est vraiment trop impraticable en saison des pluies... Durée du voyage : 5 jours. C'est normal... C'est le pays où je vis en ce moment...)

Dernièrement, la mère du père est morte. Comme ils n'avaient pas d'argent pour payer l'enterrement, ils ont vendu leurs terres. Vive les traditions... Avec les inondations, dernièrement, le père a dû vendre sa moto pour s'acheter du riz. Le problème, c'est qu'il est moto-taxi. Donc, plus rien, plus de terre, plus de travail. bientôt plus de nourriture. Ils vivent au jour le jour. C'est horrible, je commence à m'habituer à ce genre d'histoire.

Nez à nez avec...

Le jeune du centre nous a ensuite emmené dans les champs encore un peu boueux et qui se préparent à se recouvrir de verdure après la décrue. Ce sont des paysages très beaux, pour des spectateurs très pauvres. Nous sommes des riches mais les milieux où nous vivons en France ne sont pas toujours très accueillants par contre. Là, j'ai élargi ma gamme de connaissance de la faune cambodgienne. Attention, pas trop de panique, rappellez-vous que j'ai un détachement personnel d'anges surentraînés à qui on a promis le grade d'archange dans 2 ans. Voilà l'affaire : David marchait gaiement dans la nature, appareil photo autour du coup, regardant les papillons, gambadant, insouciant, poils au dents, quand tout à coup ! Tinlin... Et si je vous faisais attendre la prochaine fois ? Allez, rien que pour exercer votre patience ?...Vous mourez d'envie de savoir, hein ? Surtout qu'apparemment ce n'est pas encore un truc commun... Je comprends...

Très bien, arrêtons le suspens : un cobra (semble-t-il, 60cm, la tête grosse comme le pouce), faisait comme moi ! Il marchait gaiement dans la nature, appareil photo autour du coup, regardant les papillons, gambadant, insouciant, poils au dents, quand tout à coup ! Tinlin... Un David en face de lui ! Fier, il se dresse, et comme il avait la télé, il sait comment font les cobras dans ces cas-là : il ouvre la bouche, remue sa langue bien fourchue et menace. Bora me dit : "attention !" Alerte maximum pour le commando angélique. "Il donne mission à ses anges de te garder sur tous tes chemins. Ils te porteront sur leurs mains, pour que ton pied ne heurte les pierres. Tu écraseras le lion et le dragon."(Ps 90). Ma vie colle aux psaumes, dans les moindres détails... bref, David fait un bond latéral de 2 mètres, nouvelle épreuve pour les JO de Sydney, médaille d'or, nouveau record du monde. Les juges contrôlent toujours s'il n'y aurait pas des traces de tricherie surnaturelle céleste, mais le commando s'est déjà occupé de retirer toutes les preuves... trop tard. Pendant ce temps, le cobra est toujours affolé. Surtout qu'il a fait une bonne prise, apparemment : dans son ventre, on voit bien une petite forme allongée de 4 cm. David, ne prenant pas le temps de se remettre petit à petit et en véritable photographe professionnel, arme l'appareil et mitraille l'ennemi. Il avait des reflets bleus. Ses écailles étaient assez belles, rouges sur ses flancs. Une bonne bouille...

Nouvelle précaution

Maintenant, on peut voir David se ballader avec une "pierre noire" (contre morsure en tout genre), pas cher, bon rapport qualité-prix, en vente dans toutes les stations MEP (Missions Etrangères de Paris). Le retour s'est bien passé, pas d'éléphant en furie, pas trop de singes... La routine, quoi.

La faune cambodgienne

Je crois que vous êtes prêts à ouvrir avec moi cette parenthèse sur nos amis les bêtes du Cambodge. Nous connaissons déjà l'ami cobra, la fameuse araignée de 15 cm d'envergure, les éléphants (qui ne sont pas pour touriste (les missionnaires ont le don d'enlever tout ce qui fait le charme de ce pays...), les singes du bois d'à côté... Voilà maintenant les cafards de Phnom Penh. Dans les locaux de l'Eglise, on peut entendre ces petits insectes de 4 cm marcher sur le sol. Au moins, on les repère assez bien pour la chasse. Plus mignons, les souris sont plutôt de sortie la nuit dans les maisons de Kompong Cham. Elles ne sont pas très discrètes, on les entends assez bien se ballader partout, chanter (alors qu'on dort, vraiment... Elles sont comme les khmers. Quand il y a une fête quelque part, on en fait profiter tout le monde. Musique à tue-tête jusque tard dans la nuit. Et quand il y a un mariage, à 4h30 ils commencent déjà la cérémonie et à l'autre bout de la ville, on le sait...). Les chauves-souris, sont un peu plus grandes que les européennes. Elles sont moins timides et se montrent plus facilement dès le coucher su soleil (des enfants s'amusent avec en les attachant au bout d'une ficelle. Bravo. Heureusement, pour la grande majorité, ils sont en général plutôt chouettes). Les grenouilles qui ne chantent pas, elles cassent les oreilles. Quand elles s'y mettent toutes en même temps, c'est un avion qui passe. Est-ce que j'ai oublié les margouillats ? Petits lézard qui se balladent sur les plafonds et les murs la nuit et qui se bastonnent sans arrêt entre eux ?...

Fidèlement dans mes prières

Je pense que j'ai contribué à augmenter encore en vous le désir de venir me rendre visite ! Alors en attendant de vous voir ici, je vous souhaite bon courage dans toutes vos entreprises ! Vous êtes fidèlement dans mes prières.
A bientôt

David Lamballe,
petit séminariste pour le diocèse de Pontoise

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